Avons-nous besoin de définir l'écriture d'un blog ? Les anciennes définitions correspondent-elles à ce nouveau support ? De plus en plus de blogueurs ont une version papier de leur blog, un livre comme ils disaient au siècle dernier. Je trouve le mélange des genres étonnant, parce qu'un blog possède des exigences propres d'écriture qui ne sont pas applicables au roman. Nous sommes en train d'écrire une époque et nous nous appliquons à lui donner des allures respectables littéraires. Peut-être parce que nous somme désormais très (trop ?) nombreux à tenir des carnets virtuels, nous avons l'impression de nous noyer dans le flux permanent. Il nous faut des prix des distinctions, des classements, pour nous y retrouver et faire sortir les gemmes de leurs gangues. Qu'est-ce qui donne de la "valeur" à un blog ? Son lectorat ? Sa constance ? Sa qualité littéraire ? Peut-être mais pas que cela. L'échange de cette infime part commune d'humanité que nous dévoilons, la discussion, la prise de positions, l'existence en tant que "je" pensant sont autant de stimuli qui nous font penser à nos postes presque jour et nuit. J'y rajouterai le plaisir.
Ce blog m'a aidée à ne pas perdre mes mots qui s'effilochaient dans une langue étrangère. Il m'a permis de réaliser à quel point j'avais des progrès à faire. Il m'a tenue éveillée, attentive à un quotidien parfois routinier et déprimant. J'entretiens avec lui une attitude ambivalente. Bien sûr que je l'aime, le bichonne, le peaufine. Et souvent je le hais parce qu'il me confine dans un rôle qui m'étouffe. J'ai rencontré récemment un couple dont la femme écrit un roman. Le mari est très enthousiaste, il explique à qui veut l'entendre que sa femme a un talent extraordinaire qui lui vaudra un jour le Prix Nobel de littérature. Il est amoureux c'est certain. En l'écoutant j'ai ressenti un affreux sentiment de jalousie dont je ne suis pas coutumière. Tout simplement parce qu'Olivier a alors ajouté que la sienne tenait un blog qui décrivait très bien les petites histoires du quotidien. Les petites histoires du quotidien, le banal, la ballade de la mère au foyer. Il m'a fallu quelques heures pour admettre que c'était un compliment. Encore plus pour résister à l'envie de l'effacer d'un clic cette chronique du quotidien. J'ai sombré dans une mélancolie pensive dont j'ai eu, cette fois, beaucoup de mal à m'extirper. Et puis, comme souvent, j'ai fini par admettre que les pages blanches ne contenaient que ce que je voulais bien y mettre. Et que j'avais la chance infime de profiter d'un média extraordinaire que des générations de mères au foyer auraient aimé connaître. Bien des écrivains n'auront pas rencontré autant de personnes intéressantes que j'ai pu le faire. Il n'ont pas non plus ce retour en continu que constituent les commentaires. Je ne suis pas certaine d'aimer le caractère solitaire et statique de la relation avec les lecteurs qu'implique une impression papier. Je suis une fille de blog et j'ai bien l'intention de le rester.
on est bien, là, tous ensemble.. heureusement que t'as pas tout envoyé balladé ! même si bon, la tentation est courante..
Rédigé par : Christie | 08/02/2007 à 00:50
le livre papier tu ne peux pas l'annuler d'un clic. Rien que pour ça, le blog c'est la liberté.
Rédigé par : a n g e l | 08/02/2007 à 04:33
J'ai eu une discussion désagréable avec ma tante qui sans en avoir lu un seul de sa vie, me demandait qui ça peut bien intéresser les histoires de Untel ou Unetelle et qu'elle répugnait à se les prendre dans la figure sans avoir rien demandé.
A quoi je lui ai répondu que c'était peut-être à force de vivre dans une projection de sa vie qu'elle ne savait plus voir les petites choses belles, amusantes, les grandes rages et petits riens du quotidien.
Et que j'en étais désolée pour elle car c'était signe que, de moins en moins, elle était quelqu'un avec qui je partageais des valeurs.
Nonobstant je comprends ton envie du clic qui tue le blog. Ca m'arrive aussi. Et puis après tout je m'en fous. Peut-être que le talent, la reconnaissance et le prix nobel de littérature ne valent que parce qu'on les partage.
Et le partage, nous, les filles de blogs (et les gars aussi, hein !), on fait déjà ça pas si mal, je trouve. C'est l'essentiel, il me semble.
Rédigé par : Anne | 08/02/2007 à 05:22
Alors je te salue , ô fille de blog , car j'aime beaucoup ton billet , ta réaction face à la romancière, face à la description d'Olivier , et ta conclusion !
Et , puis , mine de rien, ton blog , je le lis depuis que je lis des blogs , et tu es la seule aves Etolane à ne pas m'avoir ni lassée , ni déçue...!
A bientôt !
Et c'est exact, on a de la chance , d'avoir cet espace -là ...!
Rédigé par : avanaé | 08/02/2007 à 06:10
N'oubliates vous point de citer votre talent ? le blog, ça permet sans doute d'affuter sa plume (heu --son clavier) : et vous y réussissez vachement bien, me semble t il !
Relisez vous : c'est éclatant !
Rédigé par : Yves Duel | 08/02/2007 à 08:14
Le quotidien ? Il n'est plus banal quand il est aussi bien raconté qu'ici ! Les blogs c'est la richesse de chacun qui ressort, je trouve. Je ne commente pas mais je te lis depuis longtemps aussi. Bien contente que tu écrives !
Rédigé par : Mitzie | 08/02/2007 à 08:57
Bonjour Sophie. Et merci. Je n'ai pas un blog depuis longtemps, mais j'éprouve aussi la tentation de tout effacer, et de la mélancolie face à ce que j'écris, à ce que d'autres perçoivent ou plutôt ne perçoivent pas. Savoir que toi, dont les billets sont de vraies chroniques que j'aime suivre, tu peux aussi ressentir cette impulsion me rassure.
Voilà une occasion de te laisser une petite trace de mon passage.
Rédigé par : meerkat | 08/02/2007 à 10:48
Rooohh on l'a échappé belle !
Rédigé par : tari | 08/02/2007 à 11:22
Faut-il absolument une définition ? Ce serait une mini-nouvelle, ou quelque chose d'approchant.
Je n'ai pas de version papier de mes pauvres petites choses, mais il me semble que les personnes qui le font ont l'impression de tenir ainsi dans leurs mains quelque chse de concret, de solide, loin de l'immatérialité, de la virtualité par définition du blog.
Je m'aperçois que beaucoup consièrent le blog comme un "échauffement" avant un véritable travail d'écriture que serait un livre. Comme s'il existait une hiérarchie !
Quoi qu'il en soit , je prends beaucoup de plaisir à lire tes posts, moi qui suis si différente de toi. Ils m'apportent souvent calme et sérénité, qualités qui me font cruellement défaut. Rien que pour ça, j'espère que tu n'auras pas la tentation du bouton de suppression !!
Rédigé par : Soeur Anne | 08/02/2007 à 12:06
Merci à tous vous me faites sourire :)
Rédigé par : sophie | 08/02/2007 à 12:19
merci sophie pour ce joli texte ;
n'étant pas femme au foyer mais mari actif, je vis les mêmes questions figure toi. Je tiens un blog sur l'apprentissage du chinois, et la manière dont cela change mon regard sur les choses. Et parfois j'ai de l'enthousiasme, une curiosité vivifiante ; parfois je me sens morne.
nous avons eu une discussion sur le thème "être spontané dans un blog" ici : http://florent.blog.com/946489/
Le regard sur son propre blog aide à prendre conscience de son état. Un ami a qualifié le blog de narcissique ; grand débat mais je crois que si un blog a quelquechose de beau à dire, peu importe qu'il le dise à son auteur ou à d'autres lecteurs. Et le dialogue par les commentaires rassure !
"Ce blog m'a aidée à ne pas perdre mes mots qui s'effilochaient dans une langue étrangère"
oui ; je ressens aussi ce besoin de renouer avec la langue francaise ; travaillant en plusieurs langues j'en perds des repères essentiels ; mais notre langue est si belle. Hier je suis allé voir au théâtre une pièce qui raconte "la cigale et la fourmi" à partir de dizaines de poèmes ou épisodes classiques (baudelaire, ronsard, apolinaire mais aussi colombo), tous repris en pastiches de la fable. Quel grand bonheur d'entendre notre langue qui vit !
Rédigé par : florent | 08/02/2007 à 12:42
Ce billet correspond vraiment à ce que je pense.
Le blog correspond à quelque chose d'inconnu qu'on veut absolument ramener à une forme stable, fixe, le figer dans le papier, le couronner de médailles...
Et cela déchaîne des passions un peu enfantines.
Grâce à ce blog j'ai compris ce qu'était la maternité, au fil des jours. Je me trouvais pour la première fois grâce à tes mots, à ta façon si personnelle de raconter le quotidien, à la bonne distance, celle qui permet de ne pas rester dehors.
Rédigé par : samantdi | 08/02/2007 à 14:26
Ce que j'aime dans le blog c'est qu'il n'est PAS de papier. Parce qu'il utilise les mots, faut-il absolument le mettre en face du roman ou de la "chose" écrite ?
Tout comme il y aurait dans les textures, celles qui servent à vêtir, et d'autres, qui servent à parer, ou encore celles qui servent à habiller, et d'autres qui sont pour les murs, ou les fenêtres, le sol, l'ameublement...
Ce ne sont pas les mêmes artisans qui les dessinent, qui les arrangent et qui les montrent à voir.
Ce sont deux formes d'art différentes.
Rédigé par : Otir | 08/02/2007 à 18:27
Je reste persuadée que Virginia Woolf aurait certainement tenu un blog...
Rédigé par : Ester | 09/02/2007 à 08:48
Bonjour Sophie.
Virginia Woolf, évidemment, et Anaïs Nin, et Colette, et Georges Sand, tiens les quatre noms qui me viennent sont des noms de femmes, et ce n'est pas le hasard.
Peut-être aussi Hemingway, Henry Miller, Marcel Camus, Saint-Exupéry.
Il est de grands écrivains qui n'auraient jamais écrits de blogues, en supposant qu'ils aient existé. Il en est d'autres qui auraient été d'encore plus grands écrivains qu'ils ne furent: Pascal, Montaigne, Diderot, Voltaire, et je ne vous citerai pas Madame de Sévigné, championne du monde des imêles.
Sophie, je vous laisse le choix de vous comparer à l'une ou l'un de ces noms. Je sais que vous ne voudrez pas vous comparer; ce n'est pas important de se comparer, vous êtes un nom de plus dans la liste, et qui tient son rang.
Alors pas de clic destructeur, et oublions les rêves de gloire, nous construisons tous ici un monde neuf dont on n'a pas fini de parler, et nous en sommes les inventeurs, que les statistiques soient en berne ou envahissantes, que les gens sérieux nous louent ou nous vouent, que José Bové mentent ailleurs pour cacher la vérité d'ici.
Rédigé par : andrem | 09/02/2007 à 11:11
J'adore ce billet, il met en mots certaines sensations qui me chatouillent. Merci de tes mots partagés Sophie, en ce qui me concerne, je les savoure toujours avec un grand plaisir, j'y trouve une humanité qui me touche, m'accroche. Tu es l'un des blogues que je consulte régulièrement depuis des années, un incontournable dans mes ballades de blogosphère! Comme toi je médite sur l'écriture papier et celle qui est virtuelle, mais mes réflexions sont encore bien floues...
Rédigé par : Etolane | 09/02/2007 à 11:46
Ton blog est bien plus que le quotidien d'une mere au foyer. J'aime beaucoup ton style, ne change rien !
Rédigé par : Mimi in Houston | 09/02/2007 à 16:12
il ne manquerait plus que cela que tu envoies tout ballader!ah ben non sophie... d'ailleurs comme bcp tu te poses questions, mais finalement le retour comme tu le dis dans les commentaires te fait aussi avancer; donc pas de clic hein!!:))
Rédigé par : be@ | 13/02/2007 à 18:35