Comme Impasse Sud, je me joins au mouvement de colère des stagiaires. Je me souviens de ce stage non rémunéré (uniquement les tickets restaurants) dans une boîte d'intérim où je travaillais de 8h du matin à 18 h sans pause déjeûner. Pas salariée, pas syndiquée, toutes ces journées à recevoir des personnes désespérées prête à tout pour un emploi. L'une d'elles a même essayé de m'étrangler quand j'ai du lui dire que les tests qu'elle venait de passer avaient des résultats trop décevants pour qu'on l'envoie en mission. J'ai vu la lueur dans ses yeux et j'ai reculé à temps. Elle a plongé sur mon bureau. Elle hurlait tandis que mes collègues la mettaient tant bien que mal dehors.
La cerise sur le gâteau, ce fut le pot de fin d'année. Je n'étais pas invitée, je devais répondre au téléphone pendant qu'ils mangeaient les gâteaux posés sur mon bureau. Je me souviens précisément du moment où j'ai craqué, je me suis dit que mon père qui passait son temps à me parler de la valeur du travail bien fait était un dinosaure. Et que si je ne voulais pas finir dans un bocal en tant qu'espèce disparue, il fallait vraiment que je me révolte. La semaine suivant, j'ai trouvé un "vrai" travail et je les ai plantés sans préavis. Ils étaient furieux parce qu'ils ne trouvaient personne et qu'ils devaient "embaucher"; quelle horreur. Ils ont envoyé la secrétaire chez moi chercher les tickets restaurants non consommés, "puisque je ne travaillais plus".
Ce n'est pas du Zola, c'était en 1995, je venais d'obtenir mon DEA mention très bien. Et je commençais déjà à me dire que le "marché" français de l'emploi et moi, ça n'allait pas le faire.
Et vous savez quoi ? Ce vrai travail dégoté par miracle s'est avéré être une arnaque. Une délocalisation d'un patron de presse qui déteste les syndicats. Il a obtenu son magazine, testé la clientèle et viré tout le monde au bout de huit mois. L'agence sous-traitante m'a licenciée et, le lendemain, un stagiaire s'installait dans mon bureau. J'ai entendu dire qu'il avait tenu deux mois. C'est sûr, 45 heures de boulot ( les samedis matins en prime) pour 150 euros mensuels, c'était un peu trop.
Merci Sophie. J'espère que dans la blogosphère on va prendre le relais. Quand je pense qu'il y a encore des gens pour défendre la fameuse "flexibilité" alors que derrière ce terme on cache toutes les nouvelles formes précarisées d'une exploitation stable !
Rédigé par : ImpasseSud | 06/10/2005 à 13:31
J'ai eu le même problème en terminant mes études. J'ai passé un an 1/2 dans une agence de pub, pour 1800 F par mois, sans avoir d'horaires (tout du moins, pas le soir !). Au bout d'un an 1/2, l'agence en question m'a proposé un CDD à 7500 F par mois, soit moins de la moitié de ce que j'aurais dû avoir. J'ai accepté, toujours parce que même à l'époque, le travail ne courrait pas les rues. Et que mon patron m'a clairement dit que de toute façon, même au SMIC, il n'aurait aucun mal à me trouver un remplaçant.
L'expérience, c'est évidemment un plus sur un CV, mais ça ne paie pas les factures ! Faites des études, qu'ils disaient...
Rédigé par : Bbsato | 06/10/2005 à 20:35
A une époque, tout le monde trouvait normal de se faire sa 1ère expérience par un stage, qui permettait de trouver un vrai emploi par la suite....mais maintenant l'exploitation, tolérée car temporaire, est devenue une forme d'esclavagisme, et encore il faudrait remercier: trop c'est trop !
Ton message m'a fait rire Sophie, non pas par son contenu, mais parce que je me rappelle parfaitement cette époque,tes débuts dans le monde du travail pleine de bonne volonté, mais il me semble que le résultat obtenu chez toi ne fut qu' un début d'allergie au monde des "patrons" .
Rédigé par : bea | 07/10/2005 à 04:25