Evidemment, on ne peut pas retirer au Chili, ni ailleurs d'ailleurs, un enfant de l'école sans affronter une cohorte de fonctionnaires furieux. Il faut comprendre, c'est un problème d'esprit de corps, vous entrez dans leurs bureaux pour leur annoncer comme ça, sur le ton de la discussion, que leur vision de l'éducation ne cadre pas avec la vôtre et que vous renoncez volontiers à leurs services. Heureusement un fonctionnaire furieux n'est pas dangereux physiquement. Il ne cherche pas à vous éliminer, il veut vous avoir à l'usure. Je m'en doutais en entâmant les procédures. Je n'avais jamais le papier idoine. Il m'a manqué, au dernier moment, une déclaration signée chez le notaire de mon retrait volontaire de mon fils et de ma volonté expresse de l'inscrire en candidat libre. Oui à 42 ans, je prends encore des décisions sous le coup d'un somnambulisme mal soigné, le notaire était vraiment indispensable. Lestée de quelques euros mais avec le fameux papier en mains, je reviens chez mon amie au ministère de l'éducation.
C'est une manie idiote mais je souris toujours quand je rentre dans un ministère, histoire qu'on ne me confonde pas avec un local. D'emblée, l'accueuil est glacé: ah mais nous n'avez pas l'autorisation de la chef de service. Il faut aller lui demander le formulaire. Je viens de faire 4 heures de queue mais je sais qu'ils le font exprès, j'en ai mal aux mâchoires de continuer à sourire. Je me dirige donc vers le bureau de la chef de service. Elle est forte, habillée en noir et a un pull en mohair, on dirait une grosse mygale. Je sens d'emblée que ça va être pesant comme entretien. Et ça commence fort, pour cette année on va laisser passer mais l'année prochaine, ce ne sera pas possible. J'ai une autre technique imparable : être l'idiote de service, ils se lassent d'expliquer; ah ? Il y a une loi spéciale pour les CE1 ? Elle soupire, elle ne me supporte déjà plus, elle va tout faire pour que je quitte son bureau. Non mais c'est pour le bien de l'enfant. Sûr, c'est ta motivation dans la vie. Ne pas répondre, ne pas répondre. Et quelle éducation reçoit-il ce pauvre petit ? Rien, il dort sur une paillasse, apprend à compter avec les miettes de pain qu'on lui jette et s'exprime en faisant la quête. Ne pas répondre, ne pas répondre. Je lui fournis les certificats d'inscription des cours de langue espagnole et de mathématiques et lui indique en passant que nous lui enseignons l'Anglais et le Français à la maison en plus. Elle me jette un regard noir : l'Anglais ne sert à rien, par contre, il aura besoin de connaître le folklore chilien, il serait temps d'engager un professeur. Texto tel quel. J'étais tellement soufflée que je n'ai pas eu à me forcer pour continuer à sourire. Le plus dur à été de ne pas rire. Bien sûr, nous allons nous en soucier. Merci le lycée militaire pour m'avoir enseigné à répondre à n'importe quelle ânerie sur le ton de la soumission absolue. Je savais que ça me servirait un jour. Je suis suffisamment allée à Canossa, elle est satisfaite, elle sort son stylo pour me donner mon formulaire et me tend triomphante...un post-it. Sans blague, je viens d'avaler un anaconda pour un post-it froissé. Ne pas rire, ne pas rire. Ni jaune, ni noir, ni rien. Je retourne faire la queue avec mon post-it, incrédule. Je retrouve mon amie très surprise elle aussi : elle vous a donné le papier ? Apparemment, c'est la reine de la rétention anale la chef de service mais je m'en fous, j'ai le papier. Je suis sortie avec l'autorisation pour mon fils d'étudier à la maison. J'ai respiré un grand coup en sortant. Nous sommes désormais autorisés à éduquer nous-même notre enfant.... C'est écrit, c'est signé, c'est officiel....Il me reste à trouver une académie de cueca, empenada et pisco sour c'est certainement le plus compliqué...
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